Le « droit à l’oubli » for Google : en Europe seulement !

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Le droit à l’oubli désigne la possibilité pour un individu de demander le retrait d’informations sur Internet pouvant porter atteinte à sa réputation. Le droit à l’oubli s’entend de deux façons différentes : d’une part, le droit à l’effacement, correspondant à un retrait de l’information en question sur un site, d’autre part, le droit au déréférencement, correspondant à un déréférencement du site par les moteurs de recherches. La Cour européenne de justice, dans un jugement du 13 mai 2014,[Google Espagne et Google (C-131/12, UE:C:2014:317)], établit la définition de ce droit de déréférencement,  à savoir que  » la personne concernée a le droit que les informations en question la concernant personnellement ne soient plus, à ce stade, liées à son nom par une liste de résultats affichés suite à une recherche fondée sur son nom « . La Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) vient de rendre un jugement historique, le 24 septembre 2019,  opposant Google Inc à la CNIL, sur la question du droit au déréférencement.

Tout commence le 21 mai 2015, lorsque la société Google Inc, après avoir été mise en demeure, refuse d’étendre le déréférencement à toutes les extensions de noms de domaine de son moteur de recherche.  Elle se contente de supprimer les liens indésirables. Le 10 mars 2016, la présidente de la CNIL prononce une sanction de 100 000 € à l’encontre de Google Inc. Google Inc demande alors au Conseil d’Etat d’annuler cette décision.

C’est ainsi que le Conseil d’Etat s’est tourné vers la CJUE en lui adressant la question préjudicielle suivante : lorsque l’exploitant d’un moteur de recherche fait droit à une demande de déréférencement, est-il tenu d’opérer ce déréférencement sur l’ensemble des différentes versions de son moteur, ou seulement sur les versions de celui-ci qui correspondent à tous les Etats membres, ou encore la seule version correspondant à l’Etat membre où réside le bénéficiaire du déréférencement ?

La réponse de la CJUE a été radicale : le droit au déréférencement demeure limité aux Etats membres et n’est pas applicable mondialement. C’est donc une défaite pour la CNIL, et une victoire pour Google Inc. La CJUE motive sa décision en expliquant d’une part que de nombreux Etats ne sont pas familiers avec le droit au déréférencement, et d’autre part que ce droit n’est pas un droit absolu ; il doit être interprété au regard de son rôle dans la société en question, et être mis en balance conformément au principe de proportionnalité, avec d’autres droits fondamentaux.

Plus précisément, il est important de prendre en compte l’équilibre primordial entre, d’un côté, la liberté d’information   des internautes, susceptible de varier selon l’endroit où se trouve l’internaute concerné dans le monde ; et de l’autre côté, la protection des données personnelles de cet internaute et son droit au respect de sa vie privée.

La CJUE rappelle néanmoins que l’Union Européenne oblige l’exploitant d’un moteur de recherche à opérer un déréférencement sur les versions de son moteur qui correspondent à tous les Etats membres de l’Union Européenne. En outre, il doit prendre des mesures adéquates pour assurer le respect des droits fondamentaux de chaque internaute voulant exercer son droit au déréférencement.

La Cour a également souligné que, bien que le droit européen n’exige pas actuellement que la suppression du renvoi accordée s’applique à toutes les versions du moteur de recherche en question, il n’interdit pas non plus qu’une telle ordonnance soit rendue. En conséquence, une autorité de contrôle ou une autorité judiciaire d’un État membre reste compétente pour apprécier, à la lumière des normes nationales de protection des droits fondamentaux, le droit de la personne concernée à la vie privée et à la protection des données à caractère personnel la concernant, d’une part, et le droit à la liberté d’information, de l’autre, et, après comparaison entre ces droits, pour ordonner, le cas échéant, à l’opérateur du moteur de recherche de procéder, pour chaque version dudit moteur, au déréférencement d’information.

Ce jugement présente une grande importance, étant donné que la question est restée ouverte depuis 2014, c’est-à-dire depuis la création même du droit à l’oubli.  La portée géographique du droit à l’oubli n’avait jamais été définie jusqu’alors.

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