Du système de recommandations Netflix aux tests de voitures autonomes, en passant par l’assistant intelligent Google Home, l’intelligence artificielle (IA), définie par la norme ISO 2382-28 comme « la capacité d’une unité fonctionnelle à exécuter des fonctions généralement associées à l’intelligence humaine, telles que le raisonnement et l’apprentissage », est désormais omniprésente dans notre vie quotidienne.
L’IA est à l’origine d’avancées importantes dans le domaine technologique et dans le monde de l’entreprise. Employée dans toute une série de secteurs, elle a des répercussions sur pratiquement tous les aspects de la création et continue de se développer grâce aux quantités croissantes de données d’apprentissage disponibles et aux progrès qui permettent d’avoir accès à une puissance de calcul élevée à un coût abordable. L’intelligence artificielle et la propriété intellectuelle se rejoignent en de nombreux points.
Mais bien qu’elle soit en constante évolution, le droit peine parfois à s’y adapter ; les enjeux de propriété intellectuelle sont alors particulièrement importants. Il faut, en effet, s’assurer que les entreprises qui investissent dans ces nouvelles technologies puissent profiter pleinement de leurs retombées commerciales.
Le principe en droit d’auteur est le suivant : l’article L111-1 du Code de la propriété intellectuelle dispose que : « l’auteur d’une œuvre de l’esprit jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous ».
Peut-on considérer l’IA comme un auteur et ses réalisations comme des œuvres de l’esprit ? Peut-on en conséquence lui accorder une protection comme à un être humain doté de la personnalité juridique ?
Pour être protégée au titre du droit d’auteur, une œuvre, quel que soit sa forme, doit être suffisamment originale ; autrement dit, elle doit refléter la personnalité de son créateur.
Quand bien même il n’existe pas de définition précise de l’originalité dans le Code de la propriété intellectuelle traduisant la volonté du législateur d’en faire une notion large et subjective, il est de jurisprudence constante que pour retenir ce critère central, une intervention humaine est nécessaire dans le processus créatif. La majorité de la doctrine considère que l’IA n’est dotée ni d’un esprit, ni d’une personnalité au sens juridique du terme.
Concernant la qualité d’auteur d’une œuvre générée par une IA, il est difficile de déterminer si elle devrait revenir au concepteur de l’IA (qui en est le créateur), au propriétaire de l’IA (qui en est l’exploitant), consister à un partage entre ces deux parties, ou être attribuée à l’IA elle-même. Ce dernier cas implique de reconnaître aux robots la qualité de personne électronique.
À l’instar de l’affaire du singe qui avait réalisé seul un selfie, et dans laquelle les juridictions américaines ont refusé de reconnaître la qualité d’auteur à l’animal ou au propriétaire de l’appareil photo, une IA créatrice ne dispose pas de la personnalité juridique.
Francis Gurry de l’OMPI a, sur ce point, déclaré que « d’un point de vue strictement économique, si nous mettons de côté les autres objectifs du système de la propriété intellectuelle, tels que la “juste contrepartie” et les droits moraux, rien ne justifie que nous n’utilisions pas la propriété intellectuelle pour récompenser les inventions ou créations générées par une intelligence artificielle ».
La propriété intellectuelle telle que nous la connaissons apparaît être inappropriée aux nouvelles évolutions de l’IA et pourrait être un frein à la création de valeur pour l’avenir.
En présence d’un vide juridique quant au régime applicable aux créations des IA, des avocats et experts se sont penchés sur le sujet et ont dégagé plusieurs pistes de réflexion.
Tout d’abord, l’option la plus évidente serait pour le législateur de créer un droit sui generis encadrant précisément le statut juridique des IA en France ou d’ajuster le droit actuel.
C’est le chemin qui semble être emprunté pour résoudre les problématiques de responsabilité civile des robots, mais qui divise l’opinion.
D’une part, le Parlement européen, soutenu notamment par des constructeurs automobiles, propose de créer une personnalité juridique spécifique aux robots capables de prendre des décisions autonomes ou d’interagir de manière indépendante avec des tiers. Cela amènerait alors à une simplification du flux de travail.
L’attribution de cette personnalité, dite électronique, tiendrait les robots responsables pour tout dommage causé à un tiers. D’autre part, des experts en IA, universitaires et dirigeants d’entreprises trouvent cette approche inappropriée et soulèvent des problèmes éthiques.
À l’aune de l’enjeu économique et juridique que représente le machine learning, beaucoup d’entreprises profitent de lois protectionnistes sur les secrets industriels. Au contraire du brevet, le secret industriel (ou “trade secret”) ne nécessite pas de rendre public le fonctionnement de l’invention.